Pendant des années, je suis resté en lutte contre la pléthore des commentaires qui s’installaient dans tous les domaines. Profus et diffus, ils sonnaient creux et, sous couvert de complexité du monde ou de sa théorisation, ils tarissaient, en les encombrant, les quelques vérités simples qui pouvaient encore fonctionner dans un discours construit.
Dans une tentative de recherche synthétique de ces quelques affirmations inébranlables, une sorte de table des essentiels, le commentaire superflu d’une image photographique me semblait ressortir d’une imposture alimentée par de multiples théories configurées laborieusement par les nouveaux théoriciens de l’image (Barthes, Deleuze, Sartre), lesquels érigeaient souvent en analyse indépassable le lieu commun et la tautologie.
L’image se suffisait à elle-même et si l’émotion émergeait, elle n’avait aucunement besoin d’un discours qui la soutenait, la lecture ou le commentaire ne pouvant se substituer au regard.
Un certain agacement à l’endroit de la prétention discursive et théorique de la photographie dite « contemporaine » me confortait dans cette affirmation d’un regard exclusif d’un discours. L’invention de la contemporanéité dans la photographie (mise en scène, hors des canons du « beau » et de sa technique, intimisme, dérangement dudit regardeur, recherche du sublime) fournissait aux esbroufeurs les armes sémantiques d’une démolition surannée et inutile de l’esthétique, de la « mélodie de l’image ». Dans un mouvement dans lequel la prise de pouvoir intellectuel, la recherche d’un lieu d’une rupture valorisatrice d’une nouvelle intelligence du monde qu’ils s’appropriaient, supplantaient toute autre considération potentiellement admissible, notamment artistique.
Partant, dans une sorte de terrorisme parfaitement assumé et clamé, je bannissais, honnissais le commentaire sur l’image, y compris par ceux qui vantaient la fécondité de la recherche de son « dehors ».
« Silence de l’image, silence sous l’image », disais-je encore.
Puis un jour, je me suis surpris à chercher une légende pour l’une de mes photos. Et ce alors que, dans la même logique de l’abolition du langage autre que celui autonome et exclusif de l’image, je prenais à mon compte la volonté de ne pas dire et nommer.
C’est cette photographie dans le hall de l’hôtel Gellert, à Budapest reproduite dans les articles. J’ai trouvé une légende (« le frisson »). Et l’on m’a demandé d’expliquer. Je l’ai écrit.
L’enchainement a été, naturellement, de mise.
Désormais, peut-être un peu confus, dans tous les sens du terme, je commente, m’abritant, théoriquement, derrière Bataille, Michaux, Baudelaire, Bataille, dans la « poétique de l’image » et son « saignement intérieur ».
Donc, un peu rattrapé par la théorie et la fécondité d’un texte que j’avais abandonnés pour la photographie, pour la laisser mieux respirer.
Alors, sous les images.
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